Pour vivre heureux, vivons médiocre !

Ha!, le bon temps, “Delenda Cathago !”

Tu m’embête : je trucide, je rase, je brûle, et sème du sel !

Quels braves gens, des valeurs saines et qui ont fait leurs preuves.

Quand je pense qu’on en est réduit, à quémander à de ridicules petits pays qui nous doivent tout, le droit de continuer à tout rafler, pétrole, diamants, minéraux, main d’œuvre, bref tout ce qui traîne avec une quelconque valeur! On en a rasés pour moins que ça !
Demandez donc au Bey d’Alger ce qu’ils ont pris dans les dents pour un coup d’éventail lorsqu’il osa réclamer qu’on lui règle nos dettes!
Ca c’était de la politique, de la vraie : je pique tes sous, je pique ta femme, je pique ta terre, et je t’envoie au fond la mine avec tes mômes comme garde chiourme. Ha, les braves gens, ils savaient vivre!
Quand je pense qu’aujourd’hui il faut payer pour qu’ils travaillent, même les soigner. Travailler sans chaînes et manger de temps en temps, ça devrait suffire, mais non, donnez donc un doigt, ils vous mangent le bras. Le bon temps de l’esclavage !
Connaissez vous la trempe, celle de l’acier, chacun avait sa petite sauce pour une bonne trempe : à l’eau ou à l’huile pour les croquants, pour les plus raffinés on testait déjà la cémentation et la nitruration superficielle avec la trempe au crottin de cheval, à la pisse d’âne ou au placenta. Le nec plus ultra de la métallurgie fine … Tolède la catholique…, la trempe à l’esclave ! L’histoire ne dit pas combien de fois l’esclave servait.
Tout a commencée à mal tourner quand l’esclave est devenu manant. Il a fallu des raisons, des explications, des justifications, suborner des témoins. Mais restait encore le droit de cuissage et ceux de haute et basse justices, ça compensait …, quelques pendus maintenaient l’ambiance.
Cela dit, restait des prétextes imparables, comme la religion ou la patrie. Le top : le droit divin ! On se partageait le gâteau pendant l’entracte au prorata des morts, ça, il faut dire que des morts, … il en était même improbable de mourir dans son lit, ça maintient en haleine ! “Tuez les tous, dieu reconnaîtra les siens !” Ha! Les braves gens, ils avaient du tonus.

Quand je pense que maintenant il faut les occuper, les materner, leur changer les couches, leur expliquer que si je dis ce que je pense, ils ne penseront pas ce que je dis. Heureusement, faute de droit divin, on a trouvé le droit de l’image ! C’est tout aussi efficace, mais plus délicat à orchestrer : une petite campagne d’intox par ci, une petite désinformation par là, faire peur aux uns avec les autres en repoussoir, et inversement, diviser pour régner…

Depuis que le manant est devenu citoyen, il faut prendre des gants. D’un autre coté, c’est plus facile de s’en laver les mains. Enfin, tout n’est pas perdu, il reste sur le globe quelques zones où le cours de l’esclave est encore assez bas. Nous somme presque revenu à une saine situation : celle d’avant 1914 et celle d’avant 1939, lorsque que l’élite groupusculaire et méritante se partageait les revenus de la planète avec une bonne oligarchie connue et reconnue. Ha, les braves gens, si prévisibles …

Depuis Rome, la méthode s’est affinée, panem cum circences, du pain et des jeux, .. et un bouc émissaire.
Bien sur, il a fallu remplacer les jeux du cirque par ceux du loft, la distribution de pain par le RMI, et la chasse aux chrétiens par celle aux musulmans, ou à n’importe quel groupuscule supposé dissident.
Encore qu’on soit passé près de la catastrophe avec la fin du communisme. Plus de bouc émissaire, plus d’ennemi à abattre, heureusement, on a réussi à réveiller les intégristes à temps !
Entre la cuisse de Zidane et la barbe de Ben Laden, on est tranquille un moment, mais ça ne va pas durer, que va t-il encore falloir inventer pour avoir la paix, enfin excusez du lapsus,.. pour avoir la guerre…

Quand je pense au bon temps de l’inquisition et de la chasse aux sorcières, le bonheur ! Chacun surveille tout le monde, la moindre déviance est vite cautérisée, au bûcher la différence, avec un pogrom de temps en temps pour calmer les ardeurs, même Galilée s’est rétracté pour éviter la brochette.

Ha, les braves gens, toujours prêts à vendre leur frangin pour une poignée de lentille.

Quand je pense qu’aujourd’hui ils commencent à penser ! Enfin, le tout n’est pas de penser, encore faut-il le faire savoir, et là, tout est verrouillé.
Une bonne administration pour distribuer les subsides à qui est bien gentil et bien sage, une bonne communication sur les sujets importants comme l’état de la neige en février et à noël, zoom sur le couillon du loft se grattant les morpions vautré sur un divan, débats passionnés sur la couleur du cheval blanc d’Henri IV, un vote de temps en temps pour réélire les mêmes en faisant s’agiter quelques épouvantails soigneusement orchestrés, et une prime à la médiocrité pour chacun.

Tu penses, donc tu suis, ou gare à tes fesses!

“Delenda Carthago”, finalement, quelle bonne recette!
C’est bien dans les vieilles gamelles qu’on fait les meilleures soupes !

Encore que…, il y bien un petit quelque chose, comme un oursin dans un caleçon, ou un cactus dans le fromage, qui, génération après génération, revient toujours, pire que l’oxalis dans le jardin ou le virus de la grippe : la liberté de l’esprit. Plus on l’éradique, plus elle renaît, plus vivace et plus belle, plus variée et subtile.

Tout ou presque a été essayé, rien n’a jamais réussi. Et quand Diogène dans son tonneau, renvoya à ses conquêtes et ses fantasmes le futur maître du monde monté sur Bucéphale, en lui rappelant que conquérir le monde ne lui donnera pour autant pas la victoire sur son plus grand ennemi, lui-même, qui a vaincu l’autre ?

“Ôte toi de mon soleil “ A graver sur les frontispices !

François Hameury