Montaigne,
décidément très à l’honneur ces temps ci, écrivait “... il semble que
l’ame esbranlée et esmeuë se perde en soy même si on ne luy donne prinse;
et il faut tousjours luy fournir d’object où elle s’abutte et agisse...”,
puis il cite Plutarque ( en latin dans le texte) : “ de même que le vent,
si d’épaisses forêts ne viennent pas lui faire obstacle, perd ses forces
et se dissipe dans l’espace”. Dans la très courte histoire humaine, le combat s’est souvent résumé à la “struggle for life”, si possible au détriment d’autrui, en se choisissant la proie la plus facile et en l’amenant sur son propre terrain, ce qui est le propre du prédateur animal. De
nombreuses versions sont possibles dans l’exercice du remplissage abusif
de son tube digestif à partir de l’assiette du voisin. Choisir
tout d’abord un couillon honnête, débordant de bonne foi, engraissé à
la parole donnée. L’entrelarder d’un contrat finement émincé d’attendus
casuistiques, l’endormir délicatement au gras de la confiance, faire mijoter
à petit feu le temps d’épaissir la sauce, puis faire saisir rapidement
lorsque la coupe est pleine. A servir accompagné d’un avocat bien mûr
accompagné d’un assortiment d’arguties, de faux semblants, de mensonges
éhontés, et d’une mauvaise foi sans faille. La
choix de l’adversaire est bien sûr essentiel, comme l’objet du butin,
et Puisqu’il en faut un, soi-même, pourrait être un bon choix. Enfin
un combat qui est tout sauf gagné d’avance, sans témoins ni médailles,
et finalement le seul qui vaille la peine ! “Imagine ...” disait John
Lennon. “Imagine...” difficile sans doute à pratiquer en tout et partout,
mais s’il est un terrain sur lequel commencer, ne serait-ce pas l’art?
Un long chemin, sur lequel finalement les victoires sont rares et difficiles, ce qui en fait la valeur. Et si c’était ça, la valeur de l’art ? “Dis- moi pour quoi tu te bats et je te dirai qui tu es !” François Hameury |